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septembre 11

10 commentaires

Des photos floues ? Mais… pourquoi ?

By ManuBZH

septembre 11, 2022


Oh ! Elle sont bizarres tes photos, elles sont floues !

Jean-Michel Obvious

Ha ha ! Il faut que tu changes de lunettes !

Jean-Michel Relou

On ne voit pas très bien le sujet de la photo, t'as pas un problème de focus ?

Jean-Michel Latechniqueçameconnaît

C'est typiquement le genre de phrases que j'ai entendues ou lues quand j'ai commencé à montrer mes premières photos prises en mouvement. Heureusement, ce n'était pas la majorité. Je n'oublie pas que j'ai aussi reçu des compliments et des encouragements. Et une des questions que l'on m'a le plus posée, c'est celle-ci :

Mais comment diable en es-tu arrivé à ce style de photo ?

C'est vrai quoi, une photo, c'est fait pour être bien net, avec un sujet visible, bien positionné selon la SACRO-SAINTE REGLE DES TIERS. Et moi, là, comme ça, je décide de n'avoir rien à foutre de tout ça et de faire quand même des photos. Et en plus, elles ne respectent aucun des dogmes photographiques.

Ce n'est évidemment pas venu sur un coup de tête. La démarche a été lente et progressive. Et elle est passée par une phase de creux aussi profonde qu'une crevasse de montagne. Vous savez, le genre de moment qui vous pousse à tout abandonner et à jeter votre appareil photo sous les roues d'un bulldozer.

Je vous raconte.

La première claque

Le virus de la photo m'a titillé assez tôt. Début des années 2000, je me balade à Nantes (où j'habitais à l'époque) et j'entre dans une boutique qui vend des reproductions d'images, genre Yellow Korner (je ne me souviens plus du nom exact, lequel n'a d'ailleurs aucune importance). Je tombe sur plusieurs photos de Philip Plisson, dont une baptisée "petit matin". C'est une photo d'une simple barque, prise dans la brume du lever du jour dans la ria d'Etel. Je découvre aussi la photo de la maison de Nichtarguer, prise à l'heure bleue. 

A l'époque, la représentation que je me faisais de la photo, c'était les photos souvenirs, ou le photojournalisme. Des photos très descriptives. Là, je changeais de complètement dimension (ou de paradigme, pour utiliser un mot savant à la mode).

Photos de Philip Plisson

Ces 2 images me transportent complètement dans un univers calme, apaisant. Je ressentais les microgouttelettes de la brume matinale. J'entendais la tranquillité paisible de la ria. 

Et je me dis que si, avec ces 2 photos, j'ai pu avoir à la fois les tripes retournées et le cerveau apaisé, c'est qu'il est possible d'aller bien au-delà d'une simple image descriptive.

L'apprentissage

Il m'aura cependant fallu attendre quelques années avant de franchir le pas et d'acheter mon premier appareil, numérique. Ce que je ne savais pas encore, c'est qu'il me faudra encore bien plus d'années pour savoir en faire quelque chose.

Mais en attendant, un nouveau monde s'offre à moi. Je ne connais rien à la technique. J'ignore à quoi correspondent tous ces chiffres qui s'affichent sur l'écran ou sur l'objectif. Et il y a décidément beaucoup trop de boutons ou de molettes à tourner sur cet appareil pour que je comprenne à quoi tout ça peut bien servir.

Finalement (et tous les photographes le savent bien), à part un ou 2 concepts techniques à comprendre, peu de choses sont nécessaires pour maîtriser la technique d'un appareil. Et ça s'apprend vite. Le plus long, c'est de savoir quoi en faire. C'est comme la musique. C'est très facile d'apprendre les gammes majeures ou mineures. Mais ce n'est pas parce que vous les maitrisez sur votre guitare ou votre piano que vous serez capables d'écrire une symphonie, ni même un tube de l'été.

Sea, pause longue and sun

Je me lance donc à l'assaut de tout ce qui se trouve autour de moi pour tester les fonctions, les profondeurs de champs, les temps de pause et autres joyeusetés. Ma localisation à proximité de l'océan me guide tout naturellement vers la photo de paysages marins, et plus généralement de tout ce qui tourne autour de la mer. Et je suppose que c'est aussi une façon de voguer un peu inconsciemment dans le sillage de celui qui m'a donné envie de me mettre à la photo.

Je photographie donc beaucoup la côte. J'y vais après le boulot la plupart du temps. En été, c'est sympa, on peut avoir les sublimes couchers de soleil, les paysages à la golden hour, les silhouettes à contre-jour... Toute la panoplie du photographe débutant. Je ne renie pas, ça fait de belles images, incontestablement.

J'ai pris beaucoup de photos des spots classiques (marais salants à Guérande, les phares, les ports...). La découverte des techniques de pause longue a ouvert encore mon champs des possibles de l'époque. A moi les paysages vaporeux de bord de mer photographiés au sunset ! Bon, heureusement, je n'ai pas fais que ça. En fait, j'utilise cette technique pour créer des ambiances plutôt que des reproductions hyper détaillées des paysages que je photographie.

Je constate aussi petit à petit que je ne suis pas le seul à aimer photographier ces paysages. Il suffit de voir le nombres de photographes sur un spot pour comprendre que l'originalité s'est fait la malle avec l'innovation : les mêmes points de vue, tous pris de la même façon, à la même heure. Dès lors, j'ai (et j'ai encore) comme leitmotiv de toujours chercher des points de vues originaux ou décalés. Je prends aussi des partis pris assez tranchés, comme sur les 4 photos ci-dessus.

Et arrive alors le moment redouté.

Cul-de-sac photographique

Ce n'est pas venu immédiatement, c'est monté progressivement au fur et à mesure que mon envie de photographier s'amenuisait.

Je prend conscience alors mon double problème.

Le premier, c'est que je déteste prendre 2 fois la même photo. Si je l'ai réussie une première fois, qu'est-ce que je vais pouvoir faire de mieux alors que la technique et le point de vue seront les mêmes ? OK, la lumière peut être un poil différente, voire meilleure, mais dans le fond, je vais juste cloner une image existante. Pas très excitant.

Mon deuxième problème, c'est que j'ai le sentiment d'avoir fait le tour des photos de paysages en pause longue, qui était un peu le cœur de ma pratique. C'est chouette la pause longue, je ne dis pas. Et en plus, ça permet de gratter facilement du like à pas cher sur les réseaux. Bref, c'est sympa, mais un peu vain.

Et puis, sans que je ne le vois arriver, s'est immiscé insidieusement en moi le cancer de la comparaison. Tous ces photographes qui publient des images tellement mieux que les miennes, pourtant prises aux mêmes endroits, ça finit par casser l'envie.

Malgré ma volonté farouche de toujours me différencier, au bout d'un moment, les points de vues se tarissent et ça ne suffit plus pour me démarquer. Et je ne veux plus prendre une énième fois un paysage en pause longue déjà vu 1 million de fois.

Bienvenue donc au fond de l'impasse du Trou Noir.

Allégorie de m'on inspiration se dirigeant vers les profondeurs du néant

Le monde est divisé en 2 catégories

Cette panne d'inspiration matinée de "à quoi bon" me coupe les ailes au sécateur. Même si je sortais pour me forcer à photographier, je n'avais plus la niaque, et je ne faisais rien de bon. En tous cas rien qui ne trouvait grâce à mes yeux.

2 solutions s'offrent alors à vous quand vous êtes tombés au fond : creuser pour descendre encore plus profondément ou profiter du fond pour donner l'impulsion qui vous fera remonter. 

Devinez ce que j'ai choisi ?

Mais que viennent faire Clint Eastwood et Eli Wallach ici ? La réponse en cliquant.

S'extirper du trou noir photographique

Mon salut est venu d'Angleterre. Car même si nos amis anglais ont trop souvent l'outrecuidance de nous battre au rugby, il faut reconnaitre qu'ils ont aussi de sacrés bons photographes.

Comme Thomas Eaton par exemple. Je suis sa chaine depuis un moment. Le type est cool et assez attachant. Il fait aussi des millions de vues sur Youtube alors qu'il ne parle que de photos de paysages, je trouve ça quand même assez dingue. Et parmi ses vidéos, je tombe sur l'une d'entre elles : "a diffrent kind of landscape photography". Tout de suite, mon cerveau se met au garde-à-vous. 

Dans cette vidéo, Thomas Eaton découvre la photographie en mouvement grâce à Andrew Gray. Je découvre alors le travail de ce Mr Gray, que je trouve absolument fabuleux. Complètement en-dehors de ce que j'avais vu jusqu'à présent. On n'est clairement pas dans le descriptif ici, mais quelque part entre l'abstrait et l'impressionnisme. Et tout ça avec un appareil photo.

WOW.

Cette vidéo a pulvérisé les blocages que j'avais.  Je me rendais compte que je m'étais enfermé dans un carcan constitué de tutos et sites qui se ressemblent tous et qui enseignent tous la même vision de la photo. Pas étonnant que je n'y trouvais pas ma place !

Grâce à cette vidéos, et au delà de cette technique de photo en mouvement, tout devenait ouvert. Je me suis alors mis en mode "pourquoi pas" et j'ai commencé à essayer des trucs. Le maître mot est devenu "expérimentation", et le lubrifiant de ces expérimentations était "ose, tente des trucs, le reste on s'en fout"..

Oser les expériences

Puisqu'on s'en fout, alors ça devient open bar pour toute une kyrielle d'expériences plus ou moins saugrenues.

Ah ça, j'ai testé de trucs, de tout.

  • Des mouvements évidemment, de toutes sortes et de toutes vitesse
  • Des reflets sur le filtre de l'objectif,
  • Du zooming,
  • jouer avec les distorsions de l'objectif,
  • Jouer avec les fuites de lumière...

Je n'ai pas fait de chef-d'oeuvre, mais ça n'avait aucune importance. Enfin, je retrouvais le goût pour faire des photos. Je vous dévoile quelques unes de ces expériences (accrochez-vous, c'est vraiment bizarre).

Je me souviens la première fois que j'ai essayé la photo en singeant ce que j'avais vu sur la vidéo ci-dessus. C'était à la presqu'ile Saint Laurent, à Porspoder. Non seulement le coin est fantastique avec le point de vue sur le phare du Four, mais il est encore peu parcouru par les photographes, au printemps en tous cas. Et c'est tant mieux, car je n'assumais pas vraiment cette technique, et la peur de passer pour un cinglé était bien présente. On remercie mes blocages qui étaient à l'époque encore tenaces.

Bien plus que des photos floues

A force d'expérimentations, j'ai abouti au style de photos que vous connaissez maintenant : un mélange unique entre photo de paysage, photo abstraite, impressionnisme, aquarelle, avec un sujet qui sert de point d'entrée dans l'image.

Ce ne sont pas simplement des photos floues. Je me suis forgé un style qui me permet de m'exprimer bien mieux qu'avec des images "conventionnelles". Ainsi, mes photos ont l'ambition de vous transporter bien au-delà des images elles-mêmes. 

Et depuis, je me fous complètement de savoir si on me prend pour un taré qui maltraite son appareil photo.

Et maintenant, le résultat

Evidemment, comme mes photos n'entrent pas dans le moule de ce que que l'on a l'habitude de voir et qu'elles demandent un minimum d'attention et de temps de cerveau disponible pour les apprécier, elles ne provoquent pas d'engouement ou d'orgies de likes sur les réseaux sociaux. Elles ne sont pas partagées par les comptes parasites comme "IGERSBretagne", "le hub des photos super jolies" et autres sangsues.

Et c'est plutôt une bonne chose. Je préfère ne pas plaire à tout le monde qu'être quelconque pour plaire à la moyenne.

D'ailleurs, ça porte ses fruits.

Car sans vouloir prendre la grosse tête ou paraître prétentieux (c'est pas mon genre du tout), j'avoue que je me fais ma petite renommée grâce à mes images. Quelques exemples :

  • Wipplay, site dédiée à la photo qui m'a comparé  à WIlliam Turner (j'en reviens toujours pas)
  • Parution dans ICM Photo Mag, magazine américain dédié à la photo ICM
  • Parution sur le site américain The Phoblographer (la traduction en français dans cet article)
  • Une expo en galerie photo
  • Une exposition en tant qu'invité au festival de la photo de Kerlouan

Est-ce que j'aurais obtenu ces résultats en continuant à faire du paysage/coucher de soleil/pause longue ? Je suis intimement convaincu que non.

Jamais je n'aurais eu autant de retours positifs sur l'originalité de ces images, sur l'inspiration qu'elles provoquent chez celles et ceux qui les contemplent.

Ainsi, malgré le côté surprenant ou singulier des mes images, vos commentaires bienveillants (sur Internet ou dans la vie réelle), voire élogieux pour certains, me poussent à croire que j'ai bien fait d'emprunter ce chemin photographique.


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  • Bravo pour ces explications bien écrites et félicitations d’avoir osé tout basculer. Le flou est moins flou !

  • Tu sais exactement te décrire dans ces explications c’est vraiment toi !! En faite ta recherche d’ambiance du départ tu l’as trouvé dans tes photos actuelles non ? C’est fascinant ce que le flou exprime. Je suis certaine que tes récentes expo ne sont que le début et qu’il va en avoir beaucoup d’autres. Je te le souhaite vraiment. Un jour il va falloir que j’arrive à faire un choix pour avoir une de tes œuvres sur mes murs !!!

  • Ah les fameux commentaires….
    Mais c’est flou et autres joyeusetés 😤 j’en ai à la pelle aussi.
    Pour moi l’ICM c’est le prolongement de l’expression de mes sentiments et d’une ambiance à un moment donné [ce qu’une photo « léchée au grain près- ou pixel- ne peut pas traduire] c’est une liberté d’expression qui cadre avec qui je suis. J’adore l’expérimentation photographique aussi je continue la photo plus classique en jouant avec la lumière et la photo à laquelle j’associe une post-prod graphique.

    Tellement gênée – et blessée-par les commentaires disant que je ne sais pas faire de photo que je préfère dire que je suis « Photographiste » et finalement cela me correspond bien car je reste libre de créer.

    « Du coup, comme Clint😜 au lieu de creuser dans les tutos et règles académiques je préfère dégainer mes APN🔫 et faire tourner la roulette de mes objo’ 📸 »
    Contente de lire tes news c’est une respiration de voir que la photographie peut être multiple.

    • Voilà, le mieux est de cultiver l’art de se foutre complètement de ce que pensent les autres et de continuer son bonhomme de chemin, en fonction de ce qui nous fait vibrer. Quant aux commentaires négatifs, ils ne regardent que ceux qui les formulent.
      Merci de continuer à me lire et à apprécier les news !

  • Hello , je me retrouve complètement dans tes pratiques créatives , je suis moi même adepte de l’ICM depuis 3 ans sur les côtes finistériennes et n’importe où tout est prétexte à création , un vrai régal ! as tu déjà fait des expos ? j’en ai une qui est en place actuellement si cela te dit il y a un vernissage samedi à partir de 17h 9 rue au Fil à Morlaix ! Bonne continuation , Maurice Madec.

    • Bonjour Maurice, et merci pour votre commentaire.
      J’ai déjà eu quelques expositions, elles sont listées en bas de cette page https://manu.bzh/je-suis-emmanuel-munier-voici-mon-histoire
      J’avais déjà l’expo à Morlaix dans le viseur, mais je ne pourrai pas assister au vernissage, vu qu’à la même heure, je participerai à celui de mon expo à Landivisiau.
      Si d’aventure vous avez de la place pour Mai Photo en 2024, je suis preneur !

  • Bonjour Manu,
    Bon bravo pour ces photos. Je suis intéressé par cette démarche que je commence à découvrir pratiquant la photographie depuis plus de 40 ans (didiermetz.com) J’approche de l’âge de la retraite, et cela me motive à reconsidérer la pratique de la photographie.
    Je partage ma vie depuis Plus de 30 ans entre l’Asie (Japon, Thaïlande) et Paris, mais je suis un peu lassé de photographier toujours les mêmes paysages, même si c’est des saisons différentes, des lumières différentes… J’ai une question, quand on fait une photographie classique on a une intention que l’on arrive à reproduire, mais elle est essentiellement définie par des solutions techniques. Quelle est la part de chance dans la photographie ICM par rapport à l’intention de départ? Peux-tu refaire la même photo identique le lendemain si tu as la même intention ? Mon cerveau s’est un peu modifié au contact des japonais et de le recherché de la perfection du mouvement. Ainsi j’ai discuté il y a quelques années avec Kondo-san, chef japonais spécialisé dans les tempuras (fritures) qu’il continue de servir à ses clients tous les soirs à plus de 70 ans. Il pense qu’il peut encore améliorer sa pratique malgré ses 2 étoiles Michelin. Son soucis, c’est la réplication de l’intention. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres au Japon.
    Encore bravo.
    Didier Metz

    • Bonjour Didier,
      Merci pour votre commentaire qui soulève une intéressante question : comment gérer la part d’aléatoire dans ce type de photo ?
      En ce qui me concerne, il y a encore une grosse part de chance/d’aléatoire dans mes photos. L’expérience acquise fait que je sais un peu mieux ce qui peut marcher ou non, ou en tous cas ce qui est à peu près certain d’être mauvais, mais rien de plus !
      Pour y arriver, une des conditions est que vous maitrisiez votre matériel, de façon à ne plus avoir à y penser et vous concentrer uniquement sur la scène et sur les mouvements que vous allez produire.

      Du fait de cette part d’aléatoire, je suis totalement incapable de faire 2 fois la même photo, que ce soit dans l’immédiat ou à plusieurs jours d’intervalle. Mais je ne considère pas cela comme un handicap ou une contrainte. J’aime justement l’idée qu’on ne puisse pas figer une scène comme on le ferait en photographie « conventionnelle ». Ça ajoute une vraie touche personnelle aux images qu’aucun autre photographe ne pourra reproduire. Et de plus, ces imperfections, ces différences entre chaque photo sont autant de points à exploiter ensuite pour créer des images différentes.

      Merci encore pour votre appréciation sur mon travail, et bonne année 2024 !

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