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juin 8

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De la matérialité des photos

By ManuBZH

juin 8, 2024


Vous le savez si vous me suivez depuis un petit moment.

Avec mes photos, je cherche à vous extirper de votre quotidien, et à laisser aller votre imagination. Je cherche à vous faire ressentir ce que moi-même j'éprouve quand je crée mes images.

Ça peut être une sorte de sérénité, une envie d'horizon lointain, un malaise, un mystère, voire des sensations physiques comme le froid ou le souffle du vent.

Et ça, ce n'est pas une mince affaire.

En effet, comment rendre en 2 dimensions et quelques couleurs toutes ces sensations ? Comment faire pour que vote cerveau vous lâche la grappe et vous autorise à vous évader ?

Au commencement est la photographie, mais...

Certes, il y a l'image elle-même. Elle fait 80% du boulot. Il faut qu'elle soit réussie et qu'elle vous évoque quelque chose, sans quoi, vous ne prendrez jamais votre place à bord pour ce voyage imaginaire.

J'accorde pour cela tout le soin nécessaire à sa réalisation, de sa création avec l'appareil photo, au choix de l'atmosphère que je veux donner, jusqu'au titre de la photo.

Mais malgré cela, 99% d'entre vous ratent l'essentiel

Vous vous gâchez l'essentiel

Car 99% d'entre vous regardent mes photos uniquement sur un écran.

Dans le meilleur des cas, c'est sur un écran de qualité et de dimensions respectables. Mais dans la grande majorité, vous regardez mes photos sur un écran de PC ou de smartphone.

Pire encore, si en plus vous les regardez depuis un réseau social comme Facebook ou Instagram. Ces réseaux meurtrissent les images avec leur compression logicielle.

Allez, j'en rajoute une couche.

Je suis sûr que quand vous regardez mes photos, vous n'êtes pas dans des conditions optimales vous permettant de vous laisser aller. Vous êtes dans le métro, vous faites la queue à la caisse d'un magasin, vous faites votre pause café/cigarette de 10h00, vous scrollez mollement devant la télé qui dégurgite ses âneries habituelles… Le panel de distractions est large.

Dans ces conditions, comment voulez-vous vous laisser transporter, vous laisser rêver ? 

Vous commencez à comprendre que la photo seule, aussi belle et inspirante soit-elle, n'est pas en elle-même suffisante.

Il lui manque le truc en plus.

Et ce truc en plus, c'est sa matérialité. C'est le fait qu'elle soit sortie des écrans et qu'elle soit enfin imprimée sur un support et mise en valeur.

La matérialité d'une photo : kézako ?

Vous le savez, je considère qu'une photo n'existe vraiment que quand elle est imprimée. Et je vais même plus loin : pour qu'une photo donne tout son potentiel, il faut prendre en compte tous les aspects de sa matérialité : le papier, le format, l'encadrement… C'est seulement en réunissant tous ces aspects que vous pourrez faire abstraction de ce qui vous entoure et pénétrer dans les tableaux.

Je vais vous présenter ma façon de procéder et les choix qui me guident dans le passage d'une photo sous forme de tas d'octets comprimés dans un bout de silicium à une œuvre encadrée accrochée en galerie ou chez vous. 

Vous allez voir que je ne laisse rien au hasard. Chaque détail est soigneusement pesé pour obtenir un ensemble cohérent et vous procurer les conditions optimales d'appréciation.

Et commençons par l'élément principal d'une photo imprimée.

Le papier

Le choix du papier (ou plus généralement du support) est crucial. Il fait pour moi partie intégrante de l'œuvre photographique. C'est un parti-pris que l'artiste doit assumer.

C'est pourquoi, je ne comprends pas trop le choix de certains photographes qui laissent le client se débrouiller pour choisir parmi une demi-douzaine de textures et grammages différents.

Pour moi, c'est comme si vous aviez envie d'un repas dans un restaurant gastronomique, mais que le serveur vous dise de vous débrouiller pour associer les mets entre eux, le tout en vous présentant une liste disparate de plats et de sauces : tournedos, filet de bar, sauce grand veneur, ketchup, artichaud, truffe… : vous n'aurez plus envie de commander dans ce resto, même si la cuisine semblait appétissante. 

Pour le choix du papier, c'est pareil. Il s'agit pour moi de trouver l'accord entre le papier et l'image.

Pour mes photographies, j'ai testé plusieurs sorte de papiers, plus ou moins texturés, plus ou moins brillant, ou plus ou moins mat. C'est au prix de nombreux essais que j'ai tiré les enseignements suivants.

La brillance

J'en suis arrivé à la conclusion que mes photos - en tous cas celles qui constituent mes principales séries - sont bien mieux mises en valeur avec un papier mat. Voire très mat. La brillance des papiers satinés (type baryta), ou, pire, des papiers gloss/brillant ajoute des reflets et donc de la confusion à la lecture des images.

Or, celles-ci vous demandent déjà pas mal d'investissement personnel pour en saisir leurs subtilités (oui, à vous qui regardez les photos), ce n'est pas la peine d'ajouter de difficultés supplémentaires à cause des irisations du papier !

Cela dit, ce raisonnement n'est pas universel. Pour la série Paris Psyché(délique) que je travaille en ce moment, si je dois l'exposer un jour, je choisirai probablement un papier satiné, avec une légère brillance, type Baryta. En effet, l'idée de cette série est que les lumières de la ville vous claquent à la figure, donc quelques reflets amplifieraient cette sensation.

Lumières psychédéliques à Paris, Sacré-Chœur

Série Paris Psyché(délique), pour laquelle un peu de brillance ne nuirait pas.

Texture lisse ou texture marquée ?

Pour la texture, c'est un peu plus compliqué, car ça dépend des images elles-mêmes.

Certaines photos passent très bien avec un papier très texturé, comme le Hahnemühle William Turner. Ce papier donne une impression d'aquarelle. Ça fonctionne bien avec certaines de mes photos pour lesquelles les aplats sont assez présents.

Si vous voulez voir à quoi ressemble la texture de ce papier, jetez un œil à la photo d'illustration tout en haut de l'article.

Typiquement le genre de photo qui passe très bien avec un papier comme le William Turner

D'autres, au contraire, s'associent mal avec une texture trop marquée. C'est le cas avec cette photo, que j'avais fait tirer sur un papier Hahnemühle Museum Etching (une texture assez grainée). Quand je montrais le tirage, le regard des gens était plus attiré par le papier et son grain que par la photo elle-même. Vous conviendrez que ce n'est pas le but recherché.

En revanche, la même photo sur un papier lisse ou à texture légère donne un résultat fantastique. L'image est mise en valeur par le papier, et non l'inverse.

Comment savoir alors quel papier est le plus adapté à une photo ?

Eh bien il n'y a pas 36 solutions : il faut tester, et prendre le risque de se planter. Et des plantages, j'en ai eus.

Un des dernier en date concerne cette photo. Avec son côté minimaliste et son petit quelque chose qui évoque une peinture asiatique, je me suis dit qu'un papier japonais serait adapté. J'ai donc choisi chez un tireur celui qui me paraissait convenir : un papier assez fin, assez rustique (pour celles ou ceux qui veulent savoir, c'était un Unryu 55g/m²).

Le résultat s'est avéré très décevant. Les fibres du papier étaient très visibles, et elles ajoutaient à l'image des artefacts qui attiraient l'œil et qui ruinaient l'ambiance minimaliste de la photo.

Papier japonais Unryu, texture, matérialité photo,

Pour limiter le risque, je possède chez moi une imprimante spéciale pour tirage photo et plusieurs papiers différents. Ça me permet de faire mes propres tests à moindre coût. Les résultats obtenus sont assez représentatifs et me permettent d'évaluer ce qui mettra le mieux les photos en valeur.


Maintenant que le papier est choisi et que la photo est imprimée, passons maintenant à l'autre élément essentiel à la présentation, j'ai nommé…

L'encadrement

Encadrer une photo n'est pas une obligation. Il existe d'ailleurs des systèmes qui permettent de s'affranchir d'un cadre. Voici quelques exemples :

  • Impression directe sur plaque d'alu, de PVC ou plexiglas ;
  • Impression sur une toile tendue sur un cadre en bois ;
  • Photo prise en sandwich entre 2 plaques de verre ;
  • Ou même, plus simplement, un Polaroid accroché au mur.

Cela dit, pour que mes photos se métamorphosent en tableaux, il est pour moi indispensable de passer par un encadrement. C'est lui qui mettra en valeur la photographie.. ou qui la ruinera s'il est raté. Par raté, j'entends un encadrement bas de gamme en plastique (coucou IKEA), ou d'une couleur scabreuse... Les possibilités de foirer un encadrement sont multiples, je ne vais pas vous les lister ici.

L'encadrement fait donc partie intégrante des tableaux que j'expose. Je vous explique comment je les choisis et surtout pourquoi.

Un passe-partout.

Je reprends l'exemple de mes principales séries. L'idée pour moi est de vous détacher de l'environnement immédiat pour que vous plongiez dans l'image. Pour cela, j'utilise 2 systèmes.

Le premier est l'utilisation d'un passe-partout noir autour des images. Mais pourquoi ce choix ? Pourquoi se compliquer la vie et s'ajouter à la fois des frais et une étape de plus dans l'encadrement ? 

La raison est physiologique. Le regard est toujours attiré vers les tons lumineux, et délaisse les tons sombres. Ainsi, ce passe-partout noir crée une frontière entre la photo et l'extérieur, pour que vous soyez pleinement concentrés sur l'image, en limitant les distractions extérieures.

De plus, comme la plupart de mes photos sont horizontales (orientation paysage, comme on dit dans le jargon), l'utilisation de passe-partout noirs procure un aspect cinématographique à l'ensemble.

Exemple d'encadrement d'un format A4 dans un cadre 40×30

Le cadre

Le deuxième élément est le cadre lui-même. Le passe-partout crée d'une manière assez franche la frontière entre l'image et le monde extérieur. Ainsi, le cadre n'a pas besoin d'être très imposant, sans quoi ça donnerait une impression un peu mastoc au tableau. Ce serait contraire à l'idée de vous envoler vers d'autres contrées.

J'ai donc choisi des cadres aux bords assez fins. Avec une petite subtilité. L'image se trouve au fond du cadre. Elle est collée à la face arrière, et non à la face avant. Ces quelques centimètres sont importants, car ils donnent une impression de profondeur aux images, comme si vous plongiez dans le cadre et donc dans la photo.

Et pour les autres séries ?

De la même manière que pour les tirages papiers, ce qui fonctionne pour mes séries principales ne sera pas forcément adapté pour d'autres.

Ainsi, pour Paris Psyché, l'objectif est de vous faire ressentir l'oppression de la ville. J'aurais alors plutôt tendance à utiliser des cadres à bords fin mais bien visibles, et sans passe-partout. Les photos, ainsi coincées contre le cadre, renforceraient cette impression de suffocation. Je mets au conditionnel car je n'ai pas encore essayé (la série n'est pas encore mûre), mais l'idée de base est là.

Pour Menez Are Menez Du, je ferais en 2 temps. Je verrais bien la première moitié de la série en caisse américaine, pour renforcer cette impression de flottement, de temps suspendu. Puis, au moment où l'histoire bascule, j'imagine plutôt des tirages encadrés sans passe-partout. Mais là encore, je n'ai pas fait de tests, ce ne sont pour l'instant que des pistes de réflexion.

Le problème du verre

Il faut aussi parler du problème du verre. En général, les photos encadrées sont sous verre, et c'est heureux. Le verre protège les photos des agressions externes (humidité, poussières, champignons, déjections d'insectes…) Dans votre intérieur, je vous recommande très fortement  de laisser vos tirages sous verre.

Mais pour les expositions, c'est plus compliqué, car qui dit verre dit reflet. Et pour peu que l'éclairage de la salle soit moyen, les photos laissées sous verre seront bien mal mises en valeur par les reflets qui surgiront de tous les côtés. Au point de dissuader les visiteurs de regarder les photos.

Après avoir longtemps hésité, j'ai choisi pour mes dernières expositions de retirer le verre. Les visiteurs peuvent alors davantage apprécier les textures des papiers, et profiter à 100% des photos sans être dérangés par les reflets. Le risque de cette solution réside alors dans l'éventualité d'une agression, comme celles que j'ai décrites plus haut. Mais le risque est à relativiser : mes dernières expositions ont eu lieu en galerie, où les conditions de présentation sont excellentes.

Pour limiter encore le risque, je vernis mes tirages à l'aide d'un vernis spécial. Ça ne protègera pas de tout, mais au moins des poussières et des UV. 

Un petit point matériel

Pour celles et ceux que ça pourraient intéresser, je vous liste ici le matériel que j'utilise pour mes tirages et encadrements.

  • Papier Hahnemühle Photo Rag 308g/m² : mon papier préféré. Mat, légèrement texturé, c'est sur ce papier que rendent le mieux mes photos.
  • Papier Hahnemühle William Turner : un papier très texturé qui rappelle l'aquarelle. Il coûte une blinde, celui-là !
  • Papier Marutt Archival Matt 230g/m² : c'est un papier mat, à la texture discrète.
  • Papier Epson Archival Matte : c'est un papier très mat et très lisse, avec zéro texture. Il est parfait pour certaines photos.
  • Cadre Dubourg Lica : ils sont fabriqués en Bretagne, à Guégon dans le Morbihan. Tant qu'à faire, autant favoriser les fabricants locaux.
  • Scotch sans acide : c'est fondamental pour conserver les tirages très longtemps, sans dénaturer les couleurs, et sans que les traces de colle finissent par gâcher la photo.
  • Vernis en bombe Hahnemühle pour protéger les tirages des agressions les plus classiques (traces de doigts, poussières)

Allez voir mes expositions pour percevoir cette sensation

Avec cette combinaison passe-partout + cadre profond, je crée pour vous une bulle autour du tableau. Vous pénétrez ainsi réellement dans mes photos en vous détachant du reste.

Ce n'est peut-être pas évident à comprendre, c'est pour cela que je vous encourage à venir voir les expositions (à commencer par mes miennes) pour percevoir tous ces détails.

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